Une maison en paille à Lausanne

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ÉCOLOGIE Mardi24 mai 2011

Lausanne se rêve sur la paille

PAR MATHIEU SIGNORELL
La première botte d’une maison de paille a été posée lundi. Elle abritera l’administration

Ce n’est pas le conte des trois petits cochons qui a inspiré la Ville de Lausanne pour construire une maison en paille, dont la première botte a été posée lundi. Mais c’est bel et bien l’expérience illégale du collectif «Straw d’la balle» qui avait érigé une maison du même type en 2007 à la promenade de la Solitude. Elle avait terminé en cendres. Un incendie accidentel, selon la justice.

Le projet de la Ville de Lausanne coûtera près de 1,8 million de francs. D’où vient la paille? De l’un des champs que la Ville possède. Et le bois pour la charpente? De l’une des forêts de la commune. Après les moutons utilisés pour faucher certains prés très pentus au centre-ville, la municipalité de Lausanne mise à nouveau sur le développement durable «atypique», selon ses mots. Mais il n’est pas prévu de construire un autre édifice à ce stade.

Sur deux niveaux, la maison abritera dès novembre le Service des parcs et promenades. Elle se situera vers le quartier de la Bourdonnette, à deux pas de l’Université et du cimetière de Montoie. Il faudra environ 100 bottes en forme de grosses briques pour former un mur épais de 80 centimètres. Chaque mètre cube pèse près de 200 kilos. Le tout selon des normes de sécurité très strictes.

Lausanne se félicite d’être la première collectivité publique en Suisse qui construise un tel édifice. Après l’incendie de la maison construite par «Straw d’la balle», «notre idée était qu’une construction en paille était impossible», souligne Jean-Christophe Bourquin, conseiller municipal socialiste à la tête de la Sécurité sociale et de l’environnement. La municipalité s’était fermement opposée à cette maison construite sans normes de sécurité, et de surcroît dans un parc. «Mais ce collectif a démontré qu’un tel projet était possible, en respectant les normes de sécurité néanmoins, ajoute l’élu. Nous n’aurions jamais eu cette idée sans cet épisode.»

Baptisé «ECO 46», le projet est réalisé en partenariat avec le «Collectif d’architecture participative + écologique» (CArPE). Recouverte d’un pisé, la maison devrait rester sur pied durant une centaine d’années. Il a fallu faucher 11 hectares de blé pour 45 tonnes de paille. Avec les épis de blé issus de la même fauche, les boulangers pourront produire 65 000 kilos de pain. Selon le collectif CArPE, cela représente la consommation de 20 personnes durant 20 ans.

A l’étranger, d’autres collectivités ont déjà construit avec de la paille. Comme par exemple une église de plus de 100 ans dans l’Etat américain du Nebraska. Ou une école dans la région Rhône-Alpes en France.

Les privés sont également séduits – comme aux Etats-Unis où en compte 2000. En revanche, les maisons de paille ne poussent pas comme des champignons en Suisse. «On en compte une dizaine en Suisse romande, et une trentaine en Suisse alémanique», note Elsa Cauderay, l’une des architectes du CArPE. Toutes sont des villas d’habitation, parfois mitoyennes. Un grand nombre sont l’œuvre de l’architecte Werner Schmidt.

Mais il est tout à fait possible de construire une maison avec d’autres végétaux: le bois, bien sûr, mais aussi le foin ou le chanvre, selon Bernard Kuhn, de la société «Eco-Logis». «En comparaison avec une maison classique, la paille est un bon produit au niveau des énergies grises, c’est-à-dire ce qu’il faut pour la construction, l’utilisation et la destruction d’un bâtiment.» Pour lui, c’est une question d’éthique, mais aussi de bien-être, de confort: «La température et l’humidité y sont régulières.» Le prix d’une construction en paille est à peu près le même que celui d’un édifice identique en béton, mais la paille a un bien meil leur rendement énergétique.

L’expérience lausannoise sert aussi à promouvoir cette architecture. «Beaucoup de gens ont des idées préconçues sur les maisons de paille: rustiques, vieilles, risquées», ajoute Elsa Cauderay. «Mais il est possible de construire dans un courant d’architecture moderne.» Le chantier sert aussi de formation pour plusieurs entreprises de la région, et des visites sont prévues.